Description
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Au centre de la piste, quelques jeunes femmes appelaient l’attention. Avec leurs jolies robes fleuries, coupées au-dessus des genoux et laissant apercevoir des cuisses de nymphes ainsi que leurs capelines de paille jaune, ornées de roses et de jasmin, Juliette et ses amies menaient avec leurs cavaliers une danse endiablée : leurs passes et leurs cabrioles déclenchaient dans l’assistance des fous rires et des applaudissements admiratifs. Brusquement, il y eut un remous. En trois enjambées, Miko avait rejoint la petite troupe. Maintenant, il rythmait un paso-doble fougueux avec ses talons et une paire de claquettes qu’il avait sortie de sa poche. Les garçons, épuisés, s’étaient réfugiés à l’ombre et se faisaient servir un pastis bien frais. Mais Juliette était restée ainsi que Jeanne, la petite fiancée de Sylvestre Edy, et les deux filles de Yann Le Guer’ch, Gaëlle et Suzon. Le spectacle était inouï ! Le jeune homme un peu mièvre s’était transformé en un torero impétueux et dominateur et voici que les quatre jeunes filles, totalement subjuguées, virevoltaient autour de lui obéissant aux commandements qu’il leur donnait d’une voix rauque. Ballet médiéval, ballet tauromachique, ballet de la séduction, on pouvait dire ce qu’on voulait. C’était superbe ! François se surpassait et la musique ensorcelante de son paso-doble remuait bien des cœurs et des entrailles. Peu à peu, l’assistance, réveillée de ses torpeurs moites, se regroupa autour des jeunes danseurs. Les mains se mirent à claquer, d’abord hésitantes, puis enhardies, de plus en plus fort, de plus en plus vite. Les filles tournaient, rattrapées d’une main preste autour de leur taille par le splendide maestro, puis tour à tour renvoyées d’une pichenette sur les bords de la piste. Olé ! Olé ! Dans une dernière trille, le père François donna toute la mesure de l’Espagne, tandis que quatre toupies folles tournaient sur elles-mêmes. L’une d’entre elles vacilla : c’était Jeanne. Miko se précipita et avant qu’elle ne fléchisse sur ses genoux, il l’emporta dans ses bras…
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Pour la quatrième fois, elle remonta le courant sur deux ou trois cents mètres. Dehors, en ce milieu d’après-midi, la chaleur était torride. Mais l’eau était scintillante et agréablement fraîche. C’était un vrai bonheur que de nager dans ce fleuve, par ailleurs si dangereux avec ses tourbillons mortels. Rien à craindre, pour l’instant, car la marée était presque étale et donc le courant paisible. Sous elle, il ne lui fallait pas penser aux centaines d’yeux qui la regardaient et aux crocs sauvages qui humaient sa chair, mais n’osaient y mordre. Un jour, l’un de ces monstres marins voudrait-il y goûter ? Combien de temps lui resterait-il pour regagner le rivage ? En aurait-elle le temps et la force ou bien serait-elle dévorée par les entrailles avant même que l’on s’en aperçoive du bord ? Qui pouvait savoir ? Depuis la plus haute antiquité, on n’avait jamais retrouvé la moindre trace des noyés de la Loire.
Son corps galbé, long et musclé fendait l’écume du fleuve. Elle avait chaussé des palmes fines qui la rendaient encore plus ondoyante. De la rive, on ne voyait que sa chevelure rousse, épanouie sur l’onde comme une fleur de lumière et ses bras alternant en cadence un mouvement d’appel vers le ciel, puis vers l’eau généreusement brassée. Ce qui retenait particulièrement l’attention, c’était la magnifique cambrure de ses reins d’une blancheur exceptionnelle, fragile esquif d’albâtre ballotté sur les eaux saumâtres
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