Description
EXTRAITS DU LIVRE
Lévignac porta un doigt sur sa joue et il lui sembla qu’à l’aide de ses lèvres, Beltraz avait sculpté, puis creusé le derme de sa peau pour y loger un baiser immortel à la profondeur la plus intime de sa peur. Les picotements de Richardin remontèrent jusqu’à son nez avec cette odeur de sexe, d’onguent, de tabac et de lingerie qui lui flanquait méthodiquement la nausée. Pourtant, étonnement, depuis la gauche et la droite, sa tête tournoya soudain et une mélodie imprenable s’actionna en son esprit. Il s’agissait d’une musique irrésistible de beauté, une sorte d’ariette fantaisiste, une petite fugue concertante inimitable ; une sorte de violon marié à une contrebasse et un violoncelle : une suite de Bach, de Beethoven, de Mendelssohn, que sais-je ? – qui contenait cet espace de pureté anachronique si indéfinissable, peut-être bien comme du Schubert, peut-être aussi comme du Schumann, un trio introuvable et merveilleux, une mélodie triangulaire reprise séparément, puis en chœur par les trois instruments de manière envoûtante. Il y avait l’un, il y avait l’autre, puis au milieu, ce troisième corpus musical si intemporel mélangeant si bien les êtres pour les unir, les accorder parfaitement. Lévignac demeura fasciné par ce frisson inhalé du fin fond de son être pour la première fois de sa vie. Son corps s’éleva littéralement. Ce devait être ça, le vrai bonheur, mais qu’est-ce que c’était bon, généreux, charitable ! Il en fut si troublé, exalté, qu’il en frémit d’ardeur, constatant des perles abonder dans ses yeux de manière impromptue tant il était heureux.
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— Écoutez bien, vous, là, qui me regardez, car cela vous concerne autant que moi ! De la même manière que la mer a fait les continents, c’est en se retirant – m’entendez-vous ? —, en s’éloignant de nous, que Dieu a fait les hommes. Prenez acte et méditez, car moi aussi je vais bientôt me retirer. Salut, tout le monde, ma révérence, la déférence, donnant-donnant ! Est-ce bien compris, assimilé, calé en vos mémoires ? J’insiste autant que je peux ! Car tout ne fait que passer ici-bas, mes oiseaux, l’existence n’est qu’un passage, qu’un tremblement des lèvres, qu’un goulot pour l’aorte. M’écoutez-vous ? On ne fait que tâtonner, que goûter le tout de rien, voilà bien, juste un petit test, un corridor, deux ou trois strophes et puis la mort. Est-ce bien saisi, assimilé, mis dans le tiroir de vos cervelles ? Et je vais vous dire aussi ceci : le retrait, le gros trait du retrait, c’est la déréliction, c’est l’abandon total, c’est le délaissement ! Est-ce bien convenu ?
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